Représentation

Loi visant à réformer l’adoption

Les députés ont adopté définitivement le 8 février 2022 la loi visant à réformer l’adoption. Retrouvez les interventions du Secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, suivie de celle de la députée Monique Limon, auteure de la proposition de loi initiale.

Actualité législative

Les députés ont adopté définitivement le 8 février 2022 la loi visant à réformer l’adoption. Retrouvez les interventions du Secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, suivie de celle de la députée Monique Limon, auteure de la proposition de loi initiale.

Adrien Taquet : « Permettez-moi avant toute chose de partager avec vous une pensée pour Georges Labazée, ancien vice-président du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), qui nous a quittés il y a quelques jours. Tout au long de sa carrière politique, que ce soit dans les Pyrénées-Atlantiques ou en tant que parlementaire, il s’est beaucoup investi dans la protection de l’enfance et l’adoption. C’est une triste nouvelle et nous avons une pensée pour ses proches.
Je me réjouis néanmoins d’être devant vous car, plus d’un an et demi après son dépôt par son auteure et rapporteure, Monique Limon, que je salue, la proposition de loi visant à réformer l’adoption, soutenue depuis l’origine par le Gouvernement, arrive à son terme.
Je m’en réjouis car elle était le fruit, dès le départ, d’un travail sérieux mené par Monique Limon et sa collègue la sénatrice Corinne Imbert, que j’avais toutes les deux chargées très tôt d’une mission de réflexion large sur cette thématique.
Je m’en réjouis car le débat parlementaire, ici et au Sénat, a permis d’enrichir ce texte, de le compléter, de le préciser. Il a permis aux divers points de vue de se confronter, aux convictions de s’exprimer et aux constats et idées d’être partagés librement dans un débat de qualité dont je remercie l’ensemble des participants.
Et je m’en réjouis enfin et surtout car ce texte riche, complet et précis aura un impact direct et bénéfique sur le quotidien et le développement de milliers d’enfants dans notre pays : ceux qui, malgré les améliorations successives de notre système d’adoption, sont encore trop nombreux à ne pas bénéficier d’un projet de vie pleinement sécurisant, à même de répondre à leurs besoins et à leurs attentes. Grâce à ce texte, ce sera désormais le cas.
Cette loi permettra d’abord à davantage d’enfants d’être adoptés. C’est sa grande force que d’augmenter les chances de donner une famille à chaque enfant qui n’en aurait pas ou dont la famille ne serait plus en mesure de s’occuper de lui.
Aux enfants qui en étaient jusqu’alors privés, elle ouvrira ainsi l’adoption plénière au-delà de 15 ans dans différents cas : par leurs beaux-parents ; lorsqu’ils sont pupilles de l’État ; lorsqu’ils ont été déclarés judiciairement délaissés et sont donc dans des parcours de fragilité qui n’étaient pas suffisamment pris en compte.
Je souligne également la force de l’article 8, qui permet au tribunal de prononcer l’adoption d’un mineur âgé de plus de 13 ans ou d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement, après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. C’est une mesure juste, claire, sécurisante.
En plus d’ouvrir nouvelles perspectives, le texte garantit une plus grande sécurité affective et physique aux enfants – c’est sa ligne directrice –, grâce à des règles claires. Celles-ci lèvent l’ambiguïté sur plusieurs points : la prohibition de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs, afin d’éviter le brouillage des lignes générationnelles ; le consentement des parents biologiques qui nous a valu des débats utiles sur l’article 13 du texte.
La nouvelle rédaction, à laquelle nous avons abouti avec toujours à l’esprit l’unique intérêt des enfants, permettra de garantir aux enfants des parcours sécurisants tant du point de vue affectif que juridique.
Je pense également à l’encadrement de l’activité des organismes autorisés pour l’adoption (OAA), sujet qui aura suscité de nombreux débats ici et ailleurs. Je le redis une dernière fois : la grande majorité des OAA mène un travail sérieux, salué par les acteurs du secteur. La loi pérennisera ce travail sur le plan national, par le biais de l’accompagnement que les OAA proposent aux départements, comme sur le plan international en matière d’intermédiation des adoptions, avec une double habilitation par les conseils départementaux et par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
Il existe en France un système, celui de l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont l’existence même signale la préoccupation collective d’assurer une intervention, un regard, une garantie de la puissance publique sur la sécurité des enfants.
Puisque le statut de pupille de l’État est en la matière le plus protecteur et que la sécurité de ces enfants est notre priorité absolue, la loi permettra de mieux contrôler les activités des OAA, en interdisant le recueil direct d’enfants en France, et donc en appliquant à ces activités les réglementations suffisantes pour garantir le bien-être des enfants.
Parce que la sécurité tant affective que matérielle et physique des enfants passe par un meilleur accompagnement, une meilleure préparation des parents adoptants, je suis heureux de constater que le texte contient des avancées puissantes en la matière. Les futurs adoptants bénéficieront d’un soutien étoffé et renforcé, garantissant que l’arrivée des enfants dans ces nouveaux foyers se fasse dans les meilleures conditions possibles.
Il y avait eu l’allongement du congé d’adoption à seize semaines, dans le cadre de la prise en compte des parcours spécifiques, pilier essentiel de la politique des 1 000 premiers jours de l’enfant. Il y aura désormais les précisions apportées en ce qui concerne le placement en vue de l’adoption, le renforcement des réunions d’information pendant la durée de validité de l’agrément, ou encore la préparation psychologique, éducative, médicale et juridique aux enjeux de l’adoption.
En matière de stabilité et de sécurité affective des enfants, je n’oublie pas l’importance de la solution que ce texte apporte aux difficultés rencontrées par certaines femmes ayant eu recours, depuis l’entrée en vigueur de la loi de bioéthique, à l’assistance médicale à la procréation à l’étranger. Grâce au mécanisme de reconnaissance judiciaire de la filiation retenu par votre assemblée, pour lequel je remercie les députés mobilisés, les enfants concernés pourront à l’avenir compter sur les deux parents reconnus comme tels par la loi.
Ce texte contribue à ancrer fermement et définitivement l’adoption dans la protection de l’enfance. Ce n’est pas anodin. Ce n’est pas une formule. Cela veut dire que les mesures de cette proposition de loi viennent directement et utilement compléter celles de la loi sur la protection des enfants, que vous avez adoptée récemment et qui a été publiée hier. Ces deux initiatives montrent que le Gouvernement et le Parlement ont avancé ensemble dans la voie d’une meilleure prise en compte des besoins des enfants qui, pour une raison ou une autre, peuvent avoir besoin d’une protection renforcée.
Cela veut dire aussi que l’effort nécessaire de désinstitutionnalisation de la protection de l’enfance se poursuit, que nous faisons toujours plus pour garantir que les enfants ne resteront pas durant des années et des années dans des structures qui ne leur conviennent pas, car cela n’est pas dans leur intérêt.
Ce texte contribue aussi à ancrer l’adoption dans une modernité qui donne davantage leur place aux modèles familiaux qui font la richesse de notre société. Je suis heureux d’y retrouver des dispositions fortes, comme l’ouverture de l’adoption aux couples non mariés, cohérente avec l’évolution de la société, ou encore le renforcement de la diversité des conseils de famille, qui permettra de réaffirmer certains principes déontologiques et éthiques, et donc de garantir une meilleure prise en compte de la spécificité des multiples modèles familiaux.
Alors, au nom de ces parents et surtout de ces enfants, je vous remercie les uns et les autres. »

Mme Monique Limon : « Tout d’abord je m’associe à l’hommage rendu par le secrétaire d’État à Georges Labazée, vice-président du CNPE, que j’avais bien sûr auditionné sur la question de l’adoption.
Nous voici arrivés au terme d’un long processus législatif puisque notre assemblée a été saisie en première lecture de ce texte il y a plus d’un an et demi. C’est dire si nous avons pris le temps de la réflexion et de l’écoute des différentes parties prenantes.
Le texte dont nous sommes saisis prévoit une réforme importante qui profitera aux enfants. D’ailleurs, deux principes m’ont guidée tout au long de ce processus : l’intérêt de l’enfant ainsi que la volonté de donner une famille à un enfant, et non l’inverse.
Je propose de revenir sur les principaux apports du texte. D’abord, il ouvre à des enfants, qui en étaient jusqu’alors privés, la chance de pouvoir être adoptés si cela constitue leur projet de vie. Il ancre l’adoption dans le cadre de la protection de l’enfance.
L’article 1er vise à revaloriser l’adoption simple par rapport à l’adoption plénière. Il prévoit qu’elle confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine. Il rendra possible, j’en suis sûre, l’adoption de bon nombre d’enfants.
L’article 4 permettra aux enfants de plus de 15 ans de bénéficier d’une adoption plénière, laquelle peut s’avérer tout à fait pertinente, même à cet âge. Elle sera donc ouverte aux pupilles de l’État, aux enfants déclarés judiciairement délaissés et dans le cadre de l’adoption par les beaux-parents.
Cette proposition de loi répond aussi à un souci d’égalité et d’adaptation aux évolutions de la société. L’article 2, mesure emblématique, ouvre l’adoption aux couples non mariés. La limitation qui prévalait jusqu’alors, en plus d’être inégalitaire et dans un déni total de l’évolution de la société, était aussi illogique en raison du contournement possible par la voie de l’adoption individuelle. En conséquence, nous avons intégré les couples, dans toute leur pluralité, à l’article 10 bis qui définit l’adoption internationale. Nous pouvons être fiers de ces mesures en faveur d’une plus grande égalité entre les citoyens.
Ce texte répond aussi à l’exigence de respect de la parole donnée. Je veux parler de la promesse, faite par plusieurs ministres au banc de cet hémicycle, de trouver une solution pour qu’un enfant né d’une PMA, une procréation médicalement assistée, réalisée à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi bioéthique, et dont les deux mères se séparent, puisse voir sa filiation établie à l’égard de la femme qui n’a pas porté l’enfant, la mère d’intention.
L’article 9 bis permettra à cette femme d’adopter l’enfant lorsque la femme qui a accouché s’oppose, sans motif légitime, à la reconnaissance conjointe rétroactive de l’enfant. C’est important parce que nous offrons une solution sécurisante pour des enfants qui ne doivent pas souffrir d’une situation qu’ils n’ont pas choisie.
Je n’ai eu de cesse de le répéter : l’enfant est au cœur de nos préoccupations. Aussi certaines dispositions favorisent-elles une meilleure prise en considération de la parole de l’enfant.
L’article 9 impose par exemple le recueil du consentement de l’enfant de plus de 13 ans à l’adjonction du nom de l’adoptant simple à son nom ou, dans le cas d’une adoption plénière, au changement de son prénom. Je suis persuadée qu’il ne faut pas craindre cette parole mais au contraire l’accueillir pour favoriser le déroulement d’une adoption dans les meilleures conditions possibles.
Cela me conduit à évoquer la question du recueil du consentement des parents, qui a suscité quelques crispations dans notre assemblée en nouvelle lecture. Or je juge important de rappeler la nécessité du consentement exprès et éclairé des parents à l’admission de leur enfant dans le statut de pupille de l’État et à ses conséquences. Le consentement devra pleinement porter sur la possibilité de l’adoption de l’enfant une fois celui-ci confié à l’aide sociale à l’enfance.
Nous avons aussi renforcé les garanties en matière d’adoption internationale, tout d’abord en interdisant l’adoption internationale individuelle – il ne sera plus possible d’adopter à l’étranger sans bénéficier d’un accompagnement par un OAA ou par l’Agence française de l’adoption –, ensuite en réformant le rôle ainsi que la procédure de contrôle des OAA.
Il ne s’agit en aucune façon de remettre en cause l’expertise de ces organismes et le travail qu’ils mènent sur le terrain – bien au contraire. D’ailleurs, nous préservons leurs compétences en matière d’accompagnement des enfants à besoins spécifiques. En revanche, nous mettons fin au recueil d’enfants en France. Nous considérons que le statut de pupille de l’État est plus protecteur. En effet, en cas de non-adoption, l’aide sociale à l’enfance garantit à l’enfant une protection juridique durable. Seul l’État peut offrir un tel cadre.
Enfin, plusieurs dispositions visent à améliorer le déroulement de la procédure d’adoption. Nous renforçons les volets formation et préparation des candidats à l’adoption. En effet, nous savons que l’adoption est un processus long et que cette situation est parfois douloureuse à vivre. C’est pourquoi il est nécessaire que les futurs parents adoptifs soient préparés le mieux possible à ce qui les attend et qu’ils soient conscients des réalités de l’adoption. Ce volet formation s’applique également aux membres des conseils de famille, dont la composition est d’ailleurs modifiée pour une meilleure objectivité des apparentements réalisés.
Je suis particulièrement fière de défendre une réforme qui nous permet d’accomplir des progrès significatifs. Nous devons ces avancées importantes en premier lieu aux enfants mais aussi aux familles et aux professionnels qui les accompagnent. Elles vont toutes, sans exception, dans le sens de l’intérêt de l’enfant qui est, et a été, ma seule ligne de conduite. C’est pour cette raison que je vous invite à voter définitivement cette proposition de loi. »

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