L’Unaf auditionnée sur la proposition de loi visant à réformer l’adoption
Compte-rendu de l’audition de l’Unaf par la députée Monique Limon, rapporteure de la Commission des lois sur la proposition de loi visant à réformer l’adoption
Mardi 17 novembre 2020, Marie-Andrée Blanc, Présidente de l’Unaf, Isabelle Saunier, Administratrice et Présidente du département Parentalité et Enfance et David Pioli, Coordonnateur du Pôle Droit de la famille – Parentalité – Protection de l’enfance, ont été reçus en audition en visioconférence par la Députée LaREM de l’Isère, Monique Limon, désignée rapporteure de la Commission des lois sur la proposition de loi visant à réformer l’adoption. Claire Ménard, Chargée des relations parlementaires les accompagnait.
En introduction, Marie-Andrée Blanc a rappelé le vif intérêt de l’Unaf sur le sujet de l’adoption comme en témoigne la rédaction d’un guide à destination des représentants associatifs dans les conseils de famille édité en 2014 et mis à jour en 2017 en partenariat avec la DGCS.
La Présidente a présenté ensuite le réseau Unaf, Udaf, Uraf en pointant les liens avec la question de l’adoption. Ainsi, après avoir rappelé que l’institution familiale recouvre près de 700 000 associations familiales, elle a noté parmi les associations adhérentes, celle d’EFA ou encore de la FAVEC. Certaines ADEPAPE adhèrent localement à des Udaf.
Au niveau national, l’Unaf est présente au Bureau du GIPED et du CNPE et siège dans trois de ses commissions dont celle compétente sur l’adoption.
Au niveau local, de nombreuses Udaf sont associées aux travaux des observatoires départementaux de la protection de l’enfance. 80 UDAF sont gestionnaires de services de protection de l’enfance et accompagnent à ce titre, près de 30 000 enfants au travers de mesures telles que la MJAGBF, l’AESF, l’AED ou encore l’AME.
Enfin, au cœur du sujet de l’adoption, chaque Udaf dispose d’un représentant dans les conseils de famille des pupilles de l’Etat (CFPE) siégeant dans les commissions d’agrément. L’action des bénévoles représentants familiaux en matière d’adoption est guidée par un principe général : trouver une famille pour un enfant en lien avec ses besoins fondamentaux. Cette famille doit correspondre le plus possible à ses besoins ; nous mettons l’accent tout particulièrement sur la nécessité de réaliser un bilan d’adoptabilité précis pour l’enfant, de mieux accompagner la parentalité adoptive en insistant autant sur l’avant que l’accompagnement post adoption.
Avant de passer la parole à Isabelle Saunier pour les remarques de l’Unaf sur le détail des articles de la proposition de loi, la députée, Monique Limon, a tenu à préciser que la proposition de loi déposée allait recevoir des modifications par voie d’amendements de la rapporteure au premier rang desquels se trouve la réintégration dans les CFPE (conseils de famille des pupilles de l’Etat) de la représentation des associations familiales avec un représentant de l’Udaf et un représentant d’EFA. Cette évolution s’appuie sur la demande répétée de l’Unaf et d’EFA et tient compte de l’assiduité et du travail de ces représentants dans les CFPE.
Isabelle Saunier est ensuite intervenue en précisant qu’elle détaillerait uniquement les articles de la proposition de loi sujets à remarques de la part de l’Unaf ou bien à évolutions d’écriture.
- L’article 1er vise à valoriser l’adoption simple et l’Unaf formule son accord sur cet article. L’ajout des termes « double lien de filiation » permet de reformuler de manière plus précise l’article du Code civil relatif à l’adoption simple. L’Unaf rappelle toutefois que la valorisation de l’adoption simple ne doit pas se faire au détriment de l’adoption plénière. Toutes deux sont utiles, répondant à des situations, attentes et besoins différents.
- L’article 2 déconnecte l’adoption du statut matrimonial de l’adoptant. Isabelle Saunier a souligné que cette suppression de l’exigence de mariage interroge l’Unaf à plusieurs titres sans pour autant vouloir prioriser un mode d’union, ni pour en privilégier un par rapport aux autres :
o Une telle évolution contribue en premier lieu à accroître encore le rapprochement entre les trois statuts pourtant distincts que sont le mariage, le PACS et le concubinage, créant une indifférenciation des statuts alors même que les français, quelle que soit leur sensibilité, ont manifesté leur attachement au mariage, le distinguant notamment du PACS à l’occasion des débats sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux personnes de même sexe.
o le nombre d’enfants « adoptables » ne cesse de diminuer, de sorte que la question d’un durcissement des conditions d’obtention de l’agrément s’est posée. Dans ce contexte, est-il opportun de procéder à l’inverse, en élargissant la base de recrutement des candidats potentiels à l’adoption ?
o autre point de réflexion, par le processus d’adoption il s’agit de trouver une famille pour des enfants dont l’histoire est déjà celle d’une rupture. Or, même si le mariage ne protège en rien d’une nouvelle séparation, force est de constater qu’il procure une sécurité et une stabilité conjugale néanmoins plus grande que dans les cas d’union entre pacsés ou concubins.
o Le mariage relève bien d’une relation naturelle avec l’adoption car il emporte un certain nombre de règles relatives à la filiation, ce qui n’est pas le cas du PACS ou du concubinage. Les couples mariés sont solidaires des dettes pour les besoins de la vie courante et l’éducation des enfants alors que les partenaires d’un PACS ne le sont que pour les besoins de la vie courante.
o enfin, dans la Convention de la Haye on parle « d’époux » et on ne reconnaît pas le concubinage ni le PACS. Cette disposition pourrait donc être gênante pour la Mission d’adoption internationale venant en contradiction avec les textes supra nationaux.
- L’article 3 prévoit un écart d’âge maximum entre les adoptants et les adoptés. L’Unaf a précisé son accord avec ce principe inscrit dans la loi. Ce principe devrait toutefois pouvoir recevoir des dérogations dans les situations par exemples de l’adoption par la famille d’accueil de l’enfant ou bien encore en cas d’adoption intrafamiliale.
La députée a précisé que le texte initial sera modifié pour prévoir des dérogations notamment en cas d’adoption par les assistants familiaux. De plus, la condition d’agrément, dans ce cas, sera levée. La députée a souhaité que l’Unaf développe plus les arguments justifiant son accord sur ce principe.
Isabelle Saunier a souligné que si le principe était bon, il devait recevoir une application souple. Les couples adoptant peuvent avoir reçu l’agrément à 30 ans mais attendre l’adoption longtemps, le projet d’adoption pouvant évoluer pendant cette durée. Une dérogation sur l’écart d’âge pourrait donc être à prévoir par le conseil de famille.
- L’article 4 vise à favoriser l’adoption plénière des enfants de plus de 15 ans par les personnes qui les ont accueillis au titre de l’aide sociale à l’enfance et avec lesquelles ils ont noués des liens affectifs. L’Unaf partage la finalité de cet article tout en appelant à une attention particulière sur la tension qu’il peut faire naître entre ce que l’enfant est susceptible d’idéaliser et la réalité.
Isabelle Saunier a ajouté que cet article pouvait rejoindre des situations proches comme le tiers de confiance ou le parrainage de proximité et que la question pouvait dès lors se poser de légiférer sur ces dispositifs.
Monique Limon a précisé qu’elle avait entendu les associations visant à la promotion de ces dispositifs et qu’elles étaient plutôt favorables à ce que le tiers de confiance et le parrainage de proximité soient traités à part. L’Unaf valide cette approche.
- L’article 5 sécurise la période de placement en vue de l’adoption. Alors que la loi prévoit actuellement que le placement en vue de l’adoption est réalisé par la remise effective aux futurs adoptants d’un enfant, l’Unaf s’interroge sur l’effectivité de la sécurisation voulue par la proposition de loi, en remplaçant « est réalisé » par « débute ».
- L’article 6 instaure un empêchement à l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs. L’Unaf n’a pas de remarques à faire sur cet article.
- L’article 7 revalorise la notion de consentement en matière d’adoption. L’Unaf est en accord avec cet article mais s’interroge sur la simplification qu’il apporte. Pour formaliser ce consentement, les parents devront aller devant un notaire et n’auront plus la possibilité de le faire devant les services de l’ASE. Pour les femmes accouchant sous le secret, ce point ne va-t-il pas créer une difficulté supplémentaire ?.
Monique Limon a précisé que cet article ne concernait pas ces cas. - L’article 8 permet l’adoption des mineurs de plus de 13 ans et des majeurs protégés hors d’état de consentir lorsque celle-ci est dans l’intérêt de l’adopté. L’Unaf n’a pas formulé de remarques sur cet article.
- L’article 9 vise à recueillir le consentement du mineur de plus de 13 ans pour changer son prénom en cas d’adoption plénière et son nom en cas d’adoption simple. Isabelle Saunier a précisé sur ce point que l’Unaf aurait souhaité aller plus loin et s’interroge sur la limite d’âge de 13 ans car l’Unaf est attachée au recueil de la parole de l’enfant dès qu’il est en capacité de l’exprimer. D’ailleurs le Code civil retient le principe selon lequel le mineur doit être entendu dans toutes procédures le concernant.
- L’article 10 clarifie et modernise les dispositions relatives à l’agrément en vue d’adoption. L’Unaf s’est interrogée sur l’absence de mention de la durée de 5 ans pour l’agrément dans la proposition de loi renvoyée à un décret.
Pour l’Unaf, il est important de réintégrer cette durée dans la loi et de vérifier régulièrement le projet d’adoption.
En réponse, la députée a précisé que dans le rapport de la mission parlementaire qu’elle a conduite avec la sénatrice Corinne Imbert, il était prévu une durée de 5 à 7 ans avec des temps de rencontre plus régulier. Mais les départements n’y sont pas très favorables. Monique Limon serait pour un entretien annuel.
Isabelle Saunier a montré l’accord de l’Unaf à un point régulier et ce d’autant plus que les projets parentaux évoluent sur une durée d’agrément longue.
- L’article 11 renforce les droits des pupilles de l’Etat dont le projet de vie est un projet d’adoption et sécurise la période de mise en relation.
L’Unaf a souligné le problème que soulève l’article 225-12 contenu dans cet article. Il est précisé que c’est le tuteur, qui organise des rencontres régulières entre l’enfant et ses futurs parents adoptifs, afin de favoriser l’établissement de liens d’attachement. Cette mise en relation est de la compétence de l’ASE plus que du tuteur. Une relation de confiance a pu déjà être créée et les premiers contacts noués avec l’enfant sont essentiels. La continuité de l’intervention de l’ASE est importante sur ce point.
- L’article 12 réaffirme le caractère protecteur du statut de pupilles de l’Etat indépendamment du projet d’adoption éventuellement défini pour l’enfant. Cet article n’appelle pas de commentaire de la part de l’Unaf.
- L’article 13 clarifie les conditions d’admission dans le statut de pupilles de l’Etat. L’Unaf a souligné que dans cet article les OAA (Organismes Autorisés pour Adoption) étaient absents du dispositif. La Députée a précisé que, sur ce point également, la proposition de loi serait modifiée par amendement de la rapporteure en insérant un article 11 bis pour encadrer les OAA et préciser qu’ils ne feront plus de recueil d’enfant en France. Seule l’ASE sera compétente et tous les enfants entreront dans un seul et même statut.
- L’article 14 réforme l’organisation et le fonctionnement de la tutelle des pupilles de l’Etat.
Marie-Andrée Blanc et Isabelle Saunier ont noté avec satisfaction l’évolution de la proposition de loi annoncée en début d’audition par la rapporteure visant à réintégrer deux représentants d’associations familiales à savoir un pour l’Udaf et un pour EFA dans la composition des conseils de famille.
Monique Limon est entrée dans le détail de la modification qu’elle introduira par voie d’amendement s’agissant de la composition de ces conseils :
1 représentant des ADEPAPE,
2 membres Udaf et EFA,
1 représentant des assistants familiaux,
1 représentant du Conseil départemental,
2 personnalités qualifiées avec pour l’une une spécialisation centrée sur la déontologie et l’autre sur le médical et le social. La spécialité déontologie vise le juridique ou un représentant départemental du Défenseur des droits. Il pourra être mis fin au mandat d’un membre du conseil de famille, qui ne siège jamais.
Pour permettre à des personnes jeunes et actives d’être membre d’un conseil de famille, le défraiement sera revu.
L’Unaf a précisé en dernier point sur cet article que la formulation retenue pour introduire la composition des conseils de famille n’est pas exact. Il est mentionné « En outre le tuteur, le conseil se compose de : … ». Le tuteur, représentant de l’Etat est garant du bon fonctionnement de l’instance mais ne prend aucunement part au vote et n’en fait pas partie comme les autres membres. L’Unaf est opposée à une telle évolution de la place et du rôle du représentant de l’Etat dans les conseils de famille.
- Les articles 15, 16 et 17 respectivement relatifs à renforcer les droits des pupilles, garantir l’examen régulier du statut des enfants de moins de 3 ans et faire de la tutelle départementale une exception, n’appellent pas de remarques de la part de l’Unaf.
Claire Menard
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